11.01.14

05:30:00, Cat�gories: Test / Critique  

Titre du film : Tel père, tel fils

Réalisateur : Kore-Eda Hirokazu

Année : 2013

Origine : Japon

Durée : 2h01

Avec : Masaharu Fukuyama (Ryota Nonomiya), Machiko Ono (Midori Nonomiya), Lily Franky (Yudai Saiki), Yoko Maki (Yukari Saiki), Keita Ninomiya (Keita Nonomiya), Shogen Hwang (Ruysei Saiki), etc.

Par Nicofeel

Les questions de famille sont le thème de prédilection du cinéaste japonais Kore-Eda Hirokazu comme le prouvent ses précédents films Nobody knows, Still walking ou plus récemment I wish. Dans son dernier long métrage, la famille est une nouvelle fois au centre des, débats mais cette fois-ci de façon encore plus prégnante.
Dans Tel père, tel fils, on suit le personnage de Ryota Nonomiya, un architecte extrêmement ambitieux, qui est marié avec une femme bien docile et qui a un enfant de cinq ans, Keita, dont il attend qu'il soit aussi motivé et ambitieux que lui. Sauf qu'un jour Ryota apprend de l'hôpital où est né son enfant que deux bébés ont été échangés à sa naissance et qu'en fait il a élevé un enfant qui n'est pas le sien. Evidemment, après une telle nouvelle, Ryota se sent particulièrement perturbé. Toutes ses certitudes s'envolent. L'hôpital lui conseille de rencontrer la famille qui a subi la même mésaventure et d'échanger à plus ou moins brève échéance les enfants.
Dans Tel père, tel fils, le film traite de la filiation, avec ce choix cornélien à effectuer : doit-on privilégier les liens du sang ou les années que l'on à passer à éduquer un enfant.
Avec beaucoup de finesse, le cinéaste Kore-Eda Hirokazu (lui-même devenu père il y a 5 ans, l'âge des enfants dans le film) évoque la position des deux familles concernées par cet échange d'enfants. Il y a d'un côté Ryota, qui n'a jamais beaucoup passé de temps avec son enfant et n'a donc pas tissé des liens étroits avec celui-ci. Dans son optique, il est pour lui essentiel qu'il récupère son enfant “naturel” et qu'il rende l'enfant qui n'est pas le sien. D'autant que c'est son unique enfant. Il ne laisse pas le choix à sa femme : c'est son point de vue, c'est lui qui est le père de famille, c'est lui qui ramène le salaire (important) de la famille et c'est lui qui a le dernier mot. En cela, bien qu'étant de condition aisée, la famille Nonomiya reproduit le schéma archétypal de la femme japonaise traditionnelle. La femme japonaise obéit à son mari et sa marge de manoeuvre dans son couple est très réduite.

A l'inverse, il y a la famille Saiki dans laquelle vit l'enfant naturel de Ryota Nonomiya. C'est une famille extrêmement modeste qui vit dans un quartier pauvre. Elle n'en est pas pour autant plus malheureuse. Cette famille qui comporte trois enfants, en plus des parents, vit au jour le jour. Le père, Yudai, est l'opposé de Ryota. Il a un petit boulot et s'amuse constamment avec ses enfants. Il est sans cesse dans un mode cool. Quand il apprend auprès de l'hôpital cette histoire d'enfants, il rappelle à juste titre que l'on ne rend pas un enfant comme on rend un chat ou chien. Déjà que l'on ne rend pas son chat ou son chien. Eh oui, même si Yudai ne vit dans l'opulence et n'a pas fait d'étude, il a un raisonnement de “père” qui s'en tient aux liens étroits qu'il a entretenu avec l'enfant qu'il a élevé depuis plusieurs années. Son enfant n'est pas un objet qu'il peut redonner du jour au lendemain parce que les l'administration lui apprend que juridiquement et par filiation “naturelle”, cela n'est pas son fils.
Yudai est beaucoup plus sensible à cette situation que Ryota qui a l'indélicatesse de proposer à un moment donné d'éduquer les deux enfants, sous le prétexte qu'il a la meilleure situation sociale et que les enfants seront dès lors bien mieux avec lui.
Le cinéaste Kore-Eda Hirokazu évoque avec beaucoup d'intelligence toute la question de ces liens qui se forgent entre les gens, et qui peuvent être bien au-delà des liens du sang.
Le film montre bien d'ailleurs qu'il est particulièrement difficile de se retrouver à éduquer du jour au lendemain un enfant que l'on ne connaît pas, même si c'est le nôtre. De même, l'enfant peut se retrouver complètement déboussolé, pour ne pas dire trahi et triste de changer totalement d'univers familial. La transition la plus difficile est celle qui a lieu dans la famille Nonomiya car Ryota n'a finalement jamais pris le temps d'être avec son enfant. Au fur et à mesure que le film avance, son personnage gagne tout de même en intérêt : il évolue dans le bon sens du terme. D'homme ambitieux et presque sans coeur (peut-être a-t-il tout simplement épousé une femme et fait un enfant car c'est la “norme” ?), il gagne progressivement en sensibilité. Il essaie de jouer avec son nouvel enfant, créant un véritable environnement familial.
Surtout, lors d'une scène où il regarde son appareil photo, il se rend compte que Keita l'a pris en photo à plusieurs reprises lorsqu'il dormait, faisant dès lors comprendre à son père “non biologique” que non seulement il l'aime, mais aussi que tous les deux ont passé peu de temps ensemble. Ryota comprend évidemment son erreur d'avoir choisi – sans réellement réfléchir – d'échanger son enfant comme cela lui avait été demandé.
Vers la fin du film, dans une très belle séquence, on voit Ryota s'excuser auprès de Keita de l'avoir abandonné et ils se retrouvent tous les deux à la croisée des chemins (au sens propre comme au sens figuré).
Tel père, tel fils propose pour terminer une belle issue à son film où les deux familles dînent ensemble avant de revenir probablement à la situation initiale. Sur le plan de la mise en scène, un beau travelling arrière signifie que des jours meilleurs sont à venir.
On ne pourra que signaler l'excellence de la distribution du film, que ce soit Masaharu Fukuyama qui joue le rôle difficile de Ryota car c'est le personnage qui évolue le plus dans le film, ou tous les autres acteurs, les adultes comme les enfants, qui font preuve de beaucoup de naturel.
Avec Tel père, tel fils traite avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse de la question des liens filiaux. Pour reprendre l'explication donnée par le réalisateur Kore-Eda Hirokazu lors d'une interview : “on ne devient pas père tout seul, mais c'est votre enfant qui fait de vous un père. Je pense que le personnage [de Ryota] finit par en prendre conscience.” Tout est dit.
Après un film aussi subtil sur le plan des sentiments et des liens familiaux, on attend déjà avec impatience le prochain film de cet excellent cinéaste japonais.

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