26.02.14

07:01:05, Cat�gories: Test / Critique  

Titre du film : A touch of sin

Réalisateur : Jia Zhang-Ke

Année : 2013

Origine : Chine

Durée
: 2h10

Avec : Wu Jiang (Dahai), Wang Baoqiang (Zhou San), Zhao Tao (Xiao Yu), Luo Lanshan (Xiao Hui), etc.

Par Nicofeel

Le cinéaste Jia Zhang-Ke avait déjà évoqué lors de ses précédents films les conditions de travail très difficiles du prolétariat en Chine, pour des salaires de misère. Ainsi, dans Still life (2006), il dressait un portrait sans concessions, quasi désabusé, d'une Chine qui s'éveille au capitalisme à n'importe quel prix. Le changement économique et social est brutal et l'homme pauvre est broyé par le système.
Dans son film documentaire 24 city, Jia Zhang-Ke 24 city s'intéressait à la disparition d'une usine pour évoquer l'évolution culturelle et économique de la Chine. Ce film évoquait de manière assez subtile une société chinoise décomplexée, où la notion de travail avait été quelque part occultée par la volonté d'être riche par certains.
En somme, ces deux films avaient le mérite de pointer le doigt sur une Chine qui s'est enrichie sur le plan économique mais seulement pour une frange de sa société, laissant la majeure partie des gens dans des conditions sociales malheureuses. Et puis pire que tout : les valeurs morales semblent avoir été mises au placard.
Dès lors, il ne faut pas s'étonner de l'existence de réactions épidermiques et particulièrement violentes. Dans son nouveau film, A touch of sin (que l'on pourrait traduire littéralement comme une part de péché), Jia Zhang-Ke entend montrer au monde entier que la Chine actuelle compte de plus en plus des actes violents, qui sont révélateurs d'un mal être de la population.
Le fer-de-lance du cinéma chinois n'y va pas avec le dos de la cuillère. A travers le destin de quatre personnages qui évoluent dans quatre provinces différentes en Chine, il dépeint des situations violentes qui sont une forme de réaction à un ras-le-bol, à un mécontentement généralisé, à une frustration certaine. Jia Zhang-Ke s'est basé sur quatre faits divers particulièrement sordides pour monter son film.

Dans la première histoire, on suit un ouvrier, Dahai, qui ne supporte pas que son patron se soit enrichi sur le dos de la communauté villageoise, qu'il ait donné des pots-de-vin pour faire passer des actes illégaux. Conséquence : le patron est riche et se permet de venir en jet privé alors que ses employés vivent dans des conditions désastreuses, faisant par exemple leur pause repas debout et en mangeant un bol de riz. Tout cela est inadmissible et Dahai va commettre l'irréparable en se faisant justice lui-même. Le film surprend par sa violence sèche et brutale. Le meurtre du comptable est pire que n'importe quel thriller ou film d'action. Jia Zhang-Ke nous avait jusque-là habitué à une violence dans la description des mutations de la Chine. Jamais il n'avait utilisé la violence comme arme de son propos. Le film est très violent, et même bien plus que nombre de films d'horreur actuels. Car tout cela paraît réaliste et on ne peut qu'être choqué par ce que l'on voit.
Surtout, Jia Zhang-Ke a l'intelligence de montrer que cette violence soudaine peut venir de partout et concerner n'importe qui. Dans la seconde histoire, on voit un homme désabusé qui cherche à se faire de l'argent rapidement et en vient à tuer une femme pour lui subtiliser son sac. Il est fort possible qu'il n'y ait rien ou presque dans ce sac. La banalisation de la violence et son omniprésence – ici elle a lieu dans une ville, dans une rue bondée – fait réellement peur.
La violence peut également être le résultat de vexations qui finissent par user mentalement les gens. Ainsi, dans la troisième histoire, on suit cette jeune femme qui travaille dans un sauna et qui est agressé par un client. Il n'arrête pas de la taper avec une serviette et veut qu'elle devienne son esclave sexuel, sous prétexte qu'il en a envie et qu'il a de l'argent. Mais l'argent n'est pas tout. Cette femme n'est pas une prostituée et s'il lui reste encore une chose qu'on ne peut pas lui enlever, c'est son amour propre. Elle décide donc de tuer violemment son agresseur, dans une séquence qui marquera sans nul doute n'importe quel spectateur.
La quatrième histoire du film est peut-être la plus symbolique avec la première. Un jeune homme, se sentant opprimé par les conditions de travail en usine et par les décisions injustes de son patron, choisit de changer de métier. Il parvient à travailler dans un hôtel de luxe qui s'avère être le repère d'hommes riches qui prennent les femmes qui sont recrutées dans cet endroit pour des prostituées de luxe. Le jeune homme perd les dernières illusions qu'il avait, surtout quand il se voit repousser par l'une de ces prostituées avec qui il avait entamé une brève relation. Choisissant à nouveau de quitter ce travail qui le débecte, il est ensuite logé dans des conditions précaires dans un HLM gigantesque et impersonnel où il doit partager son minuscule appartement avec plusieurs co-locataires. Autant dire que l'horizon est pour le moins bouché. Ce qui pousse notre protagoniste à commettre l'irréparable.
Les quatre histoires de Jia Zhang-Ke sont différentes mais elles ont toutes un point commun : une résolution extrême, qui se termine dans la violence. Mais cette dernière n'est pas anodine. Elle est le résultat du choix de personnes qui ne supportent plus leur quotidien et qui veulent changer les choses. La révolte est le maître mot et la façon dont elle se passe a de quoi faire réfléchir.
A touch of sin est, comme son titre le laisse entendre, un film effroyable. Il cristallise à lui seul les rancœurs d'une société chinoise qui a évolué sans réflexion vers un capitalisme sauvage : pendant que certains se pavanent dans des jets privés et des hôtels de luxe, d'autres meurent de faim et sont humiliés en permanence.
Jia Zhang-Ke a fait preuve d'un incroyable courage en sortant ce film. Il est étonnant que les autorités chinoises lui aient permis de le montrer en dehors des frontières de leur pays car l'envers du décor n'est pas du tout reluisant. La publicité pour la Chine peut difficilement être pire. Ce film désenchanté est dans tous les cas à réserver à un public très averti en raison de sa violence sèche et frontale. Il n'y a pas d'ellipse ici, tout est visible et ce n'est pas joli joli.

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