Archives pour: Décembre 2011, 11

11.12.11

06:45:00, Cat�gories: Test / Critique  

Titre du film : Le venin de la peur

Réalisateur
: Lucio Fulci

Année : 1971

Origine
: Italie

Durée du film
: 103 minutes

Avec : Florinda Bolkan (Carole Hammond), Jean Sorel (Frank Hammond), Silvia Monti (Joan Hammond), Anita Strindberg (Julia Durer), Stanley Baker (l'inspecteur Corvin), Leo Genn (Edmond Brighton), Georges Rigaud (le docteur Kerr), etc.

Par Nicofeel

Quand on évoque la carrière de Lucio Fulci, on pense immédiatement à ses films d'horreur dont certains sont passés à la postérité (L'enfer des zombies en 1979, Frayeurs en 1980, L'au-delà en 1981 et La maison près du cimetière en 1981). Pourtant, ce cinéaste italien a également œuvré dans de nombreux autres genres, et notamment dans le giallo (Perversion story en 1969, La longue nuit de l'exorcisme en 1972 et L'emmurée vivante en 1977).
Avec Le venin de la peur (1971), il livre sans nul doute son giallo le plus abouti, qui constitue même l'un des références du genre.
Le début du film est particulièrement marquant. Après un générique très easy listening comportant des images floues, on aperçoit une jeune femme dans un train qui tente de se frayer un chemin au milieu d'usagers puis d'hommes et femmes nus. La suite de cette scène consiste en une relation saphique entre cette jeune femme et une autre très belle femme. Tout cela correspond en fait au rêve que fait à plusieurs reprises Carole Hammond, une bourgeoise, fille d'un homme politique important. Elle raconte ce rêve à son psychiatre qui voit dans la séquence suivante, le meurtre de Julia Durer, la voisine à la vie dissolue de Carole Hammond, la victoire de la vertu sur l'immoralité.
Sauf que rapidement la réalité prend le pas sur le rêve. La police retrouve Julia Durer assassinée. Or, tous les indices convergent vers Carole Hammond (on retrouve sur l'arme du crime ses empreintes) qui constitue le coupable idéal.
Le venin de la peur est clairement à ranger dans la catégorie des gialli car il comporte plusieurs éléments qui sont propres à ce genre. D'abord, on assiste à un meurtre (que l'on revoit plusieurs fois) qui s'avère tout à la fois sanglant et extrêmement stylisé. Ensuite, qui dit meurtre dit enquête policière. Cette dernière s'avère extrêmement minutieuse. Car il s'agit de trouver pour quelle raison Carole Hammond a décidé de tuer une jeune fille qui n'a rien à voir avec son milieu. Dans la même optique, le film fait état d'un véritable traumatisme avec ce rêve mortifère que refait Carole Hammond, et qui pourrait expliquer un comportement schizophrène.
Enfin, et cela n'est pas le moindre des aspects du film, on voit bien que l'on est dans un giallo car l'érotisme est très prégnant. Cependant, cet érotisme n'a rien de gratuit. Il a pour but de vilipender une société où chacun agit comme il l'entend, au mépris de toute moralité, pourtant mise en avant par la classe bourgeoise. En cela, Le venin de la peur est un giallo qui est tout sauf conventionnel.
Si les ingrédients principaux propres au giallo sont bien présents dans ce film, Lucio Fulci n'a pas hésité à se démarquer de ce genre pour apporter une vision très personnelle. Ainsi, la société dans son ensemble est mise à mal. Carole Hammond est représentative d'une bourgeoisie qui se sent naturellement au-dessus des autres, comme lorsqu'elle répond à la question Connaissez-vous Julia Durer ? par un méprisant : « Je trouve cette question inconvenante. » Madame Hammond devient le symbole d'une bourgeoisie qui se déclare puritaine mais aspire au fond d'elle-même à une vie sexuelle libérée, débridée. Son mari ne vaut pas mieux qu'elle, lui qui trompe sa femme depuis deux ans. La bourgeoisie n'est pas la seule classe à être ouvertement critiquée par Lucio Fulci. Le cinéaste italien s'en prend aussi aux hippies qui couchent à tout-va et prennent de la drogue, sans avoir conscience de leurs actes (« quand on est défoncé on peut tuer quelqu'un et ne jamais s'en souvenir », dixit l'un des hippies). Pire, ils sont même présentés comme des gens dangereux, à l'instar de cette scène de course-poursuite entre Carole Hammond et l'un des hippies. Le point de vue social du film est assez clair.
Lucio Fulci présente également une œuvre annonciatrice de ses prochains films d'horreur. En effet, à moults reprises, on a droit à des scènes surréalistes particulièrement marquantes, dignes du chef d'oeuvre de Fulci, à savoir L'au-delà. Ici, on aperçoit des cadavres aux yeux crevés et des chiens éviscérés dans un laboratoire au terme d'une course-poursuite labyrinthique.
Et puis Le venin de la peur est un giallo atypique par le fait que l'on connaît dès le départ l'identité du tueur. Il ne faut pas chercher ici un tueur à la main gantée. Les différentes personnes qui sont accusées n'ont d'autre but que de tenter de disculper Carole Hammond, une femme impeccable sous tous rapports, en tout cas en apparence qui se sert de son rêve comme d'un alibi. Elle essaie de se faire passer pour schizophrène. Quant aux meurtres, l'originalité tient au fait que l'on voit uniquement un meurtre, et qui plus est dans un rêve (ou plutôt dans le souvenir du tueur). Les autres meurtres ne sont jamais montrés à l'écran.
Giallo très axé sur le côté psychologique, Le venin de la peur bénéficie du savoir-faire d'un cinéaste qui est déjà au sommet de sa forme, et réussit à véhiculer une ambiance dérangeante avec des gros plans, des floutages ou encore un split-screen. Le film allie par ailleurs avec brio des scènes réalistes marquées notamment par l'enquête policière et des scènes oniriques d'une grande beauté sur le plan plastique. Le travail effectué sur les décors et l'éclairage est remarquable. On pense notamment à la superbe scène initiale où Carole Hammond et Julia Durer font l'amour, dans un environnement saturé de rouge.
De plus, le film peut se targuer d'avoir une excellente bande son signée Ennio Morricone, qui compose une musique faite de mélodies très easy listening et de dissonances qui permettent de maintenir le spectateur dans un état de tension permanente. C'est au passage une des bande son les plus expérimentales d'Ennio Morricone.
Quant au casting du film, il est loin d'être ridicule. Florinda Bolkan incarne une brune énigmatique, à la beauté froide. On sent son personnage constamment sur le qui-vive. Quant à Anita Strindberg, elle apporte sa beauté naturelle et rayonnante au personnage de la pauvre Julia Durer. Outre ces deux actrices, le reste du casting demeure de qualité.
Au final, Le venin de la peur est incontestablement un giallo majeur qui prouve au demeurant que Lucio Fiulci est capable de réaliser de très grands films, et pas seulement en mettant en scène des zombies.
L'éditeur français Néo Publishing, qui a édité de nombreux gialli, ayant mis la clé sous la porte avant de distribuer ce film, il serait appréciable qu'un éditeur ait la bonne idée de sortir Le venin de la peur en DVD ou en blu ray.

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