15.11.11

06:10:00, Cat�gories: Test / Critique  

Titre du film : L'Apollonide – souvenirs de la maison close

Réalisateur : Bertrand Bonello

Date de sortie au cinéma : 21 septembre 2011

Durée du film : 122 minutes

Avec : Hafsia Herzi (Samira), Céline Sallette (Clotilde), Jasmine Trinca (Julie), Adèle Haenel (Léa), Alice Barnole (Madeleine), Iliana Zabeth (Pauline), Noémie Lvovsky (Marie-France), Jacques Nolot, Xavier Beauvois, etc.

Par Nicofeel

Présenté au festival de Cannes en 2011, l'Apollonide – souvenirs de la maison close constitue le nouveau film de Bertrand Bonello. Ce cinéaste montre une nouvelle fois un goût prononcé pour les écorchés vifs, pour les personnages désabusés et tristes qui considèrent que leur vie n'a plus vraiment de sens. Et puis comme lors de précédents films, Bertrand Bonello s'intéresse au milieu du sexe : c'était déjà le cas dans l'excellent film Le pornographe avec Jean-Pierre Léaud en réalisateur de films pornographique mais aussi dans Tiresia où le personnage principal était une transsexuelle qui œuvrait sur le bois de Boulogne.
L'Apollonide – souvenirs de la maison close, reste dans les thématiques fétiches de ce réalisateur. En effet, le cinéaste dépeint le quotidien de prostituées à la veille du XXème siècle. Ne versant jamais dans la vulgarité, le film s'intéresse au quotidien des prostituées, et par extension à celui des femmes.
Dans son film, Bertrand Bonello laisse entendre que les prostituées sont considérées, encore plus qu'aujourd'hui, comme des êtres inférieures. Ce n'est pas un hasard si ces filles sont affublées d'un surnom (la juive, la petite, la femme qui rit, etc.). En entant dans la maison close, ces femmes, qui n'ont pas d'autre moyen de subsistance, perdent leur identité propre. Par ailleurs, une étude livresque dans le film indique que la prostituée est une pauvre fille, quelqu'un de bête. Une idée lors de cette étude est particulièrement marquante, dans ses préjugés radicaux : « la prostituée est à la femme ce que le criminel est à l'homme. »

Ces femmes de plaisir sont également des êtres exploités. Ainsi, Noémie Lvovsky interprète clairement le personnage de la mère maquerelle qui tient scrupuleusement un livre de comptes et fait tout pour refiler des dettes à ces filles afin de les garder. Celle qui se prend pour une femme respectable est avant tout une profiteuse qui entend faire un maximum de profit sur le dos de ces filles (allant même jusqu'à les faire travailler quand elles ont leurs règles !) et qui n'hésite pas à les revendre quand les choses tournent mal, comme si elles étaient des animaux.
Surtout, ces femmes sont dégradées. Pour les hommes qui viennent les voir, elles ne sont rien du tout. Elles sont quasiment des objets dans les mains des hommes. Elles doivent se plier à tous les désirs et fantasmes de leurs clients. Le temps d'une relation, une femme devient une geisha, une autre se déguise en poupée (on dirait un automate) et une autre accepte à ses dépens de se faire attacher. En effet, pour cette dernière, les choses tournent bien mal et elle est sauvagement défigurée par un homme qui se pose en ersatz de Jack l'éventreur, qui prenait un malin plaisir à violenter les prostituées.
Car ces femmes risquent bien souvent leur vie. Dans le meilleur des cas, elles peuvent tomber enceinte. Elles peuvent aussi être violentées (c'est le cas de la femme qui rit), voire même récupérer la syphilis, et en décéder. A l'instar du film Vénus noire qui a cherché à réhabiliter une femme maltraitée, l'Apollonide est un long métrage très ambitieux qui a tenté de rendre justice à ces esclaves du sexe dont l'honneur a été sali.
Mais le film ne comporte pas que des moments dramatiques. Il est aussi marqué par la grande solidarité qu'il y a entre ces femmes qui se soutiennent les unes les autres. Il faut dire que ces prostituées mangent ensemble, dorment ensemble et tout simplement vivent en vase clos. Elles sont dans la même galère et elles en ont conscience. C'est peut-être ce qui explique qu'elle sont affectueuses entre elles et solidaires comme si elles formaient une famille avec le personnage de Noémie Lvovsky qui joue certes le rôle de la mère maquerelle mais aussi celui de la mère tout court pour ces filles.
On apportera tout de même un bémol à la présentation que le film établit quand à l'hygiène des prostituées. En effet, ici, on les voit en train de se désinfecter la bouche après un rapport ou le sexe avec un savon antiseptique. Il n'est pas certain qu'à cette époque l'hygiène soit aussi irréprochable que ce qui est évoqué. Manifestement, Bertrand Bonello a quelque peu romancé la réalité.
Ce défaut n'est cependant pas très grave. Et ce d'autant plus que le film bénéficie de nombreux autres atouts. En premier lieu, on est admiratif devant les très beaux décors et costumes (corsets et autres habits) du film : le salon de la maison close est luxueux et fait penser à une maison des plaisirs. En effet, dans ce monde très libre, l'alcool coule à flot, tout le monde fume tranquillement et les propos sont on ne peut plus libérés alors que l'on n'est qu'à l'orée d'un nouveau siècle. On se croirait dans des tableaux de Toulouse-Lautrec (1864-1901) qui au demeurant a peint beaucoup de tableaux montrant des prostituées. De plus, la seule scène extérieure, lorsque les prostituées vont pique-niquer, pastorale, fait immanquablement penser au sublime déjeuner sur l'herbe de Jean Renoir (1959) mais aussi à certains tableaux champêtres des peintres impressionnistes dont Auguste Renoir.
En second lieu, ces tableaux ne seraient rien sans l'apport de la photographie qui apporte tout à la fois des couleurs très chatoyantes dans le beau salon et des couleurs plus grisâtres dans la description du quotidien de ces jeunes femmes.
En troisième lieu, le travail de mise en scène est remarquable. Les cadres ont été très travaillés et la caméra apparaît d'une grande fluidité, permettant de passer adroitement d'une scène à l'autre.
En quatrième lieu, Bertrand Bonello bénéficie du jeu très naturel des belles actrices, qui ont réussi à s'immerger dans des rôles difficiles, ceux de femmes qui sont constamment sur leur lieu de travail et leur lieu de vie.
Au final, l'Apollonide est une vraie réussite. C'est un film fort qui traite brillamment de la question de la prostitution en mettant ces femmes sur le devant de la scène. Le réalisateur n'oublie d'ailleurs jamais de nous rappeler que ces prostituées sont avant tout des femmes qui espèrent secrètement pour certaines rencontrer le prince charmant (l'homme qui les épousera et les fera sortir de leur condition) mais qui savent au fond que c'est un doux rêve, à l'instar de « la femme qui rit » qui se met à pleurer des larmes de sperme.
Et puis la conclusion du film qui nous ramène à l'époque contemporaine laisse entendre que Bertrand Bonello est pour la réouverture des bordels, en lieu et place de cette prostitution de rue, sordide et infâme.
Voilà sans conteste un film riche et audacieux à voir.

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