Archives pour: Mai 2011, 10

10.05.11

05:00:00, Cat�gories: Interview  

Dans le cadre du festival Hallucinations collectives qui s'est déroulé à Lyon, j'ai eu la chance d'interviewer deux jeunes cinéastes, François Gaillard et Christophe Robin, auteurs des films Blackaria et Last caress, ainsi qu'Anna Naigeon, leur chef opérateur.
En plus de communiquer des informations sur leurs films, ces trois amis ont livré plusieurs pistes de réflexion sur leur passion : le cinéma.
Cette interview fleuve est donc intéressante à plus d'un titre.

L'interview s'est déroulée en deux temps : des questions furent d'abord posées à Anna Naigeon puis aux cinéastes François Gaillard et Christophe Robin.

1°) Interview d'Anna Naigeon, chef opérateur sur les films Blackaria et Last caress :

Es-tu déjà venue sur des festivals de cinéma ?
J'étais venue l'an dernier à l'Etrange festival de Lyon [l'équipe du film Blackaria avait été invitée à présenter son film à Lyon en 2010, ndlr] mais je n'avais malheureusement pas eu la possibilité de rester très longtemps après la projection.
Sinon je fais beaucoup de festivals mais pas forcément des festivals de genre. Je me rends tous les ans au festival méditerranéen qui a lieu à Montpellier. Cela fait aussi plusieurs années que je vais à Belfort. Et puis j'ai la possibilité d'aller à des festivals à Paris.

Es-tu sensible au fait de pouvoir présenter dans le cadre du festival Hallucinations collectives un film sur lequel tu as travaillé ?
C'est une chance extraordinaire de pouvoir présenter son film à un tel festival car on rencontre un public de connaisseurs. Donc si les spectateurs sont contents après la projection, on le sera également.
En plus, c'est le seul moment où on a l'occasion de rencontrer des personnes qui voient habituellement nos films sur support DVD.

Pour devenir chef opérateur, as-tu fait des études spécifiques ?
Non, pas vraiment. J'ai appris sur le tas, notamment en devenant assistant caméra sur des tournages beaucoup plus importants que ceux auxquels je participe avec des membres de l'association School's out [association qui regroupe des jeunes réalisateurs, ndlr].

Sur combien de films as-tu déjà travaillé en tant que chef opérateur ?
J'ai fait une dizaine de court métrages et trois longs métrages : The hunt de Thomas Szczepanski, Blackaria et donc Last caress de François Gaillard et Christophe Robin. J'ai fait aussi de la lumière pour de l'animation.

Comment s'est passée ta première rencontre avec François Gaillard ?
C'était il y a trois ans maintenant. C'est un ami de François qui tournait à côté de chez moi. On a immédiatement sympathisé. Je leur ai filé un coup de main pour le tournage. Comme le groupe de réalisateurs cherchait un chef opérateur, ça s'est fait très naturellement. Après on a fait un premier film ensemble avec François, le fameux Blackaria.

As-tu regardé des films en particulier pour devenir chef opérateur sur des films d'horreur ?
Comme on a les mêmes références avec François, je n'avais pas besoin de regarder des films en particulier.

De qui vient l'idée de te faire passer devant la caméra et donc de jouer le rôle d'actrice ? J'imagine que c'est celle de François Gaillard ?
Oui c'est son idée, c'est même précisément l'idée de François et de Christophe [Robin]. Un jour, Christophe, tout penaud, m'a dit : « Tu ne voudrais pas par hasard tourner dans Blackaria ? » Apparemment il avait prévu trois pages d'argumentation !
Rires de François et de Christophe.
Je lui ai répondu OK. Il avait l'air un peu surpris par ma réponse aussi soudaine.
Christophe : Il n'y avait pas trois pages d'argumentation et puis non je n'étais pas penaud quand même.
François : On en avait discuté toute une soirée. On avait préparé toute l'argumentation. Alors petit a, on lui dit que..., petit b, on lui dit que..., etc. Au final elle a tout simplement dit oui.

Pour Last caress, comme il s'agissait de ton deuxième film en tant qu'actrice après Blackaria, t'es-tu sentie plus à l'aide ?
C'est beaucoup plus dur pour Last caress parce que cet enfoiré de camarade, là [en regardant François Gaillard], il m'a mis une tartine de dialogues, comme c'est même pas permis. Comme je ne suis pas actrice, c'est dur pour moi et c'est stressant. En fait, ça me demande plus de travail que la lumière.
Dans Blackaria, le fait de me dénuder ne me posait pas vraiment de problèmes. Sur Last caress, je devais au départ jouer le rôle d'une muette et finalement, à la toute dernière minute, je me suis retrouvé avec cinq pages de dialogues !
François : Et quels dialogues !
Anna : Je te déteste pour ça, mais bon ! [rires]

Es-tu satisfaite à 100 % du résultat de ton travail en tant que chef opérateur sur Last caress ?
Le principe d'un chef opérateur est qu'il n'est jamais content. Toutes mes erreurs me sautent à la gueule ! Cela dit, je suis satisfaite d'avoir pu expérimenter des choses que je n'avais encore jamais faites. C'est le cas par exemple des intérieurs jour qui n'étaient pas évident à rendre. Au départ les trois quart du film devaient se passer à l'extérieur. Mais comme il a plu pendant toute la durée du tournage, on a décidé de tout faire à l'intérieur. Il fallait quand même que cela soit de l'intérieur jour, ce qui est plus difficile à faire que de l'intérieur nuit.
Il faut dire aussi que l'on a tourné en seulement 20 jours. C'était difficile de faire autrement. Au final, je suis contente du film. Je l'aime beaucoup et notamment l'ambiance qui s'en dégage.

Donc tout le tournage a eu lieu dans une seule maison ?
Oui, et du coup pour moi c'était un sacré challenge pour ça. Il y a eu notamment le fameux lever de soleil dans le plan où je n'en ai pas dormi pendant trois jours tellement ça m'a angoissé. Mais finalement je suis contente de l'avoir fait. Car je sens que j'ai progressé en ayant fait des choses nouvelles.

Quels sont tes projets en tant que chef opérateur ? Une nouvelle collaboration avec François et Christophe ?
Oui, j'espère retravailler avec eux. Je n'ai rien de précis pour l'instant puisque je suis dans d'autres projets plus alimentaires. Je vais bosser sûrement sur des projets en tant qu'assistant caméra.
Je travaille aussi sur un projet qui consiste à monter des studios de cinéma à Montpellier, donc ça me prend du temps.
Actuellement, je suis au chômage et donc disponible pour de nombreux autres films, si quelqu'un souhaite m'embaucher !

Parce que tous les trois vous êtes de Montpellier ?
On vient effectivement tous de Montpellier.
François : En fait, toute l'association School's out [qui co-produit Last caress avec Le chat qui fume] est de Montpellier.
Anna : Si je m'écoutais je tournerais tout le temps. C'est hyper frustrant de ne tourner qu'une à deux fois par an. Je vais essayer de multiplier les projets si je peux.

En tant qu'un chef opérateur, si un grand réalisateur te demande de travailler pour lui, tu souhaiterais qu'il s'agisse de qui ?
Christophe :John Ford ?
Il me semble qu'il risque d'être difficile de tourner des films avec John Ford !
Anna : Alors y a deux réalisateurs pour lesquels j'aimerais tourner. Le premier est Clint Eastwood et le deuxième est Stallone. Pour moi, le dernier Rambo est un chef d'oeuvre ! Je suis ultra fan !
François : Après avoir vu Expendables, je crois que Stallone aurait vraiment besoin d'Anna ! Par ailleurs, ce n'est pas pour flatter notre ego masculin, mais tu remarqueras qu'il s'agit de choix sévèrement burnés !
Christophe : Elle n'ose pas trop citer Woody Allen mais...
Anna : Pour tourner avec Carla Bruni, non merci !

2°) Interview de François Gaillard et de Christophe Robin, co-réalisateurs des films Blackaria et Last caress :

Appréciez-vous le fait de pouvoir présenter vos films au public dans le cadre d'un festival, comme celui d'Hallucinations collectives ?

François : Pour ma part, j'apprécie ces festivals. Cela fait longtemps que je tourne mais mes trois premiers films sont vraiment foireux ! Cela n'est pas de la fausse modestie. Il faut bien démarrer à un moment donné. Et comme j'ai coutume de le dire : le bas de l'échelle est le meilleur endroit pour démarrer ! On ne peut pas aller plus bas. Pour moi, les choses ont vraiment commencé à décoller en travaillant avec Anna, Christophe, et bien sûr David Scherer, le maquilleur. D'une certaine manière, ils constituent ma famille.
C'est à partir du film Blackaria qu'on nous a remarqué et qu'on nous a invité en festival. Cela prouve que c'est une équipe qui gagne et qu'il ne faut pas la changer.
Donc oui j'apprécie les festivals car je rencontre des gens dont j'entendais beaucoup parler. Je retrouve aussi des vieux potes qui ont déjà fait des films comme Jean-Christian Tassy [qui a présenté au festival hallucinations collectives son film Calibre 9, ndlr]. Rien que pour cela c'est cool de voir que des vieux copains ont continué. Finalement c'est un cercle très restreint de réalisateurs qui vont au bout de leur long métrage avec trois francs six sous comme nous.
Pour moi l'idéal est de se serrer les coudes. Ce genre de festival permet de renforcer cette impression.
Surtout qu'à Lyon, il y a un côté plus détendu qu'ailleurs. On a été à l'Absurde séance de Paris. Les gars étaient supers mais l'ambiance était électrique dans la salle ! Le public était complètement déchaîné : ça braillait, ça s'insultait. Ici à Lyon les gens sont polis, ils regardent le film. Enfin je dis ça, ça se trouve on va se prendre des tomates ! [l'interview a eu lieu juste avant la projection de Last caress] Mais jusqu'ici, les gens étaient cool. Pour Blackaria, l'année dernière, ça c'était très bien passé.
Je pense qu'il faut encourager ce genre de manifestation. En plus, les organisateurs ne se prennent pas la tête. Il n'y as pas un côté grande gueule donc c'est très appréciable.

Est-ce que tu as eu l'occasion de faire des festivals en tant que simple spectateur ?
Je me suis rendu au festival du film fantastique de Gérardmer de 1998 à 2001. Je trouvais ça plutôt sympa mais je ne retiendrai qu'un seul moment de Gérardmer où je me suis dis : putain c'est incroyable !
C'était lors de la projection de Versus de Kitamura, qui était un peu bordeline. D'abord j'étais allé en boîte avec toute l'équipe de Kitamura. Ces gens étaient abordables, gentils. Personne à l'époque ne les avait calculés à Gérardmer. L'organisation avait fait venir l'acteur Bill Pullman à la projection de Versus. Il a mis une telle ambiance dans la salle que ça en a été impressionnant. Il a même lancé à un moment une hola. C'était un truc hallucinant. Il a été voir à un moment donné Kitamura et a dit en anglais à Kitamura que son film était génial. Kitamura en tremblait. Voilà pour moi un moment fort de Gérardmer. C'est ce qui te donne vraiment envie de faire des films.
Pour le reste, Gérardmer, c'est du public système.

Et toi, Christophe, que penses-tu d'un festival comme celui d'Hallucinations collectives ?
Moi ce que je trouve appréciable dans ce genre de festival c'est qu'on nous diffuse. La programmation brasse beaucoup de films différents, comme Howard le canard cette année ou La course à la mort de l'an 2000 l'an dernier. Il y a tout à la fois des classiques du cinéma et des nouveautés. Donc c'est très plaisant de pouvoir se présenter par rapport à d'autres films du même genre. Après s'il est vrai qu'il y a un public qui apprécie ce genre-là, on aimerait bien que des gens qui aiment Argento ou d'autres auteurs essaient de se fixer sur des films qui sont encore peu connus. Et je ne parle pas que des nôtres. Ce qui serait bien de déborder de ce genre qui est un peu sclérosé.
François : Alors si je puis me permettre, ça n'est pas qu'une question de genre. Je pense que c'est aussi une question de connexions. Je te donne un exemple tout con. J'avais vu un film dans lequel un de mes vieux potes avait joué. Le film s'appelait Dehors. C'était un film d'auteur sur un mec qui n'arrivait pas à sortir de chez lui. Cela reprenait le principe de L'ange exterminateur de Bunuel. Lorsque j'ai vu ce film, je l'ai trouvé génial. Je n'ai jamais compris que ce film ne soit pas diffusé. Il est super bien écrit et hyper bien réalisé. Et l'acteur principal, c'est pas parce que c'est un de mes amis, mais il « déboitait » vraiment ! Donc je ne crois pas que c'est une question de genre. Mais une question de connexions. Pour moi ce qu'on est en train de créer avec ce festival Hallucinations collectives, c'est presque un courant parallèle de gens qui n'ont pas la thune du CNC, qui ne sont pas copains avec Beigbeder.
Christophe : Il y a aussi à mon sens la question du public. On en parlait tout à l'heure avec Nicolas. Le cinéma d'horreur est vraiment catalogué. On ne peut pas dire qu'un cinéphile va tout de suite se brancher sur un film d'horreur.
François : Les films qu'on fait, et je ne dis pas que les nôtres, ne disposent d'aucune publicité. A part le Net maintenant. Si d'ailleurs on arrive tous aujourd'hui à se retrouver c'est grâce au Net.
Christophe : Et c'est bien ça qui est dommage qu'il n'y ait que le Net.
François : Tu vois, tout cela constitue presque une communication clandestine. Les films de genre « officiels » qu'on se bouffe au cinéma, je trouve qu'ils ressemblent à une caricature de ce qu'on imagine des fans de films de genre. Quand on voit des films comme « le dernier film français super trash, archi gore », je trouve que c'est une façon de réduire le cinéma fantastique à du bourrin. Autant j'ai aimé un film comme Haute tension, autant j'ai vu pleins de trucs après que j'ai trouvé merdique. Alors quand je vois comme hier des films comme Calibre 9 de Jean-Christian Tassy, ou Mirage de Talal Selhami, qui comportent des plans géniaux, je me dis que ce sont des mecs comme ça que Canal Plus devrait produire. Quand Selhami fait Mirage, il va faire un film fantastique dans le désert à Ouarzazate ! Je préfère ça qu'un film comme A l'intérieur dans un deux pièces avec Béatrice Dalle et Alyson Paradis. Et pourtant le film A l'intérieur a coûté 2 millions d'euros et celui de Selhami 100 000...
Donc je ne pense même pas qu'il y ait un mépris du public. Je pense qu'il y a une mésentente sur la communication qui continue à enfermer les fans de films de genre en disant : c'est des débiles, ils aiment que le gore, et voilà. Et on ne produit que ça. Alors que pour moi Talal Selhami vient de réaliser La maison du diable de Robert Wise dans un désert ! C'est dommage que l'on n'axe pas la communication sur des gens comme lui.
Anna : En plus, le public de films de genre est beaucoup plus intelligent que ça. Il a des goûts très différents. Il aime pleins de choses. Si on aime les films de genre, on aime chercher les perles. Ce public existe et il est complètement nié.
François : Si ce public n'existait pas, il n'y aurait pas de festival comme ici. T'aurais personne qui viendrait.

Pouvez- vous me citer vos films et réalisateurs préférés ?
François : Si je ne devais citer que trois films, ça serait Le masque du démon de Mario Bava, Peur sur la ville d'Henri Verneuil et Phantom of the paradise de Brian de Palma.
Christophe : Pour ma part, il est très difficile de classer trois films en premier. Je citerai donc plusieurs réalisateurs. Il y a bien sûr Mario Bava et Dario Argento dans le côté fantastique italien pour ne citer qu'eux. Mais je pourrais aussi citer des réalisateurs qui ont œuvré dans le fantastique, en jouant sur le suggéré. J'aime beaucoup Robert Wise avec La maison du diable (François : c'est un chef d'oeuvre, ce film), Les innocents de Jack Clayton, Kwaïdan de Kobayashi (François : Kwaïdan est un film hyper graphique, un film dont les décors sont repeints sur les murs, et puis l'oeil dans la neige !). On peut aussi citer Le locataire de Polanski que j'aime énormément.
Anna : Pour ma part, j'ai deux genres de prédilections, le giallo et le western.

Comment vous-est venue l'idée de vous lancer dans la réalisation de films ?
François : A la base j'ai commencé par la BD. J'ai beaucoup dessiné quand j'étais jeune. Au fur et à mesure, je me suis rendu qu'en BD j'essayais de reproduire ce que je voyais dans les films. J'avais un pote au lycée qui faisait des courts-métrages qui s'appelait Yann Moreau, auquel Jean-Christian Tassy a d'ailleurs rendu hommage dans Calibre 9. J'ai beaucoup rigolé quand j'ai vu que son personnage principal s'appelait Yann Moreau car on l'a connu ensemble au lycée. Et donc ce Yann Moreau faisait des courts métrages en vidéo. En le voyant faire, je me suis dit que c'était quelque chose de possible. C'était l'époque où je montais de magnéto à magnéto. Après j'ai essayé des courts métrages. Ils étaient bien foireux les courts ! Et puis un jour je me suis dis : allez, je vais passer au long. C'était à l'aube de la DV, à la fin des années 90, début des années 2000. Tout le monde voulait à l'époque tourner son film en caméra DV. Ainsi je suis parti pour le long métrage en caméra portée amateur.
Christophe : Je ne vais pas faire comme Lelouch et dire je vais faire ça papa, plus tard. J'ai vraiment été nourri par le cinéma quand j'étais petit. J'ai toujours été fasciné par cet univers. Depuis le lycée j'ai fait des courts métrages soit pour les diplômes soit pour le plaisir. Mais j'ai toujours été animé par la volonté de raconter des histoires à la base. Étant donné que je suis nul à l'écrit et en dessin, j'ai toujours tenté de raconter ces histoires en les filmant.

Vivez-vous du cinéma ou avez-vous des professions à côté ?
Christophe : On vit pour le cinéma.
François : C'est beau comme il le dit. C'est très Chateaubriand les cheveux au vent. Personnellement je n'en vis pas. Je suis veilleur de nuit depuis quinze ans. Comme je le dis dans le commentaire audio de Blackaria, j'ai besoin de thunes !
J'ai acheté le DVD de Blackaria !
François : Merci, grâce à toi, je vais pouvoir me payer un Quick ! [rires]

Comme vous êtes co-réalisateurs sur Blackaria et Last caress, comment se répartissent vos tâches ?
Christophe : Justement, on s'est bien réparti les tâches. François est l'instigateur des deux projets, Blackaria et Last caress. En gros c'est lui qui s'occupe de tout : technique, cadre, etc. Moi je me suis occupé d'un poste qu'il a voulu « délaisser », c'est-à-dire celui de directeur d'acteurs. J'ai tenté de faire le mieux possible pour m'en sortir. Ne rigolez pas à côté !
Anna : Non c'est pas ça. C'est juste que c'est mignon la façon dont tu l'as dit.
Christophe : Diriger c'est un bien grand mot car ce ne sont pas des acteurs à la base qui sont venus sur le tournage. Ce sont des amis qui ont bien voulu participer au projet. Cela reste quand même des acteurs au final car ils se sont donnés à fond, ils se sont démenés pour arriver jusque-là, pour un résultat plutôt convenable. Je parle en tout cas pour Blackaria. Pour Last caress, je suis encore plus content du jeu des acteurs. On est un cran au dessus.

Mais Christophe, est-ce que tu es à un moment donné derrière la caméra ?
Christophe : Oui on va dire que je suis toujours derrière la caméra. Entre les prises je navigue entre les acteurs pour leur dire soyez plus « dynamiques » ou pour leur relire avec eux des textes car certaines fois ils ont des petits oublis. Je me suis attelé à cela.

Avant d'évoquer Last caress, je souhaiterais revenir sur un élément qui m'a beaucoup intrigué : le film est entre autres dédié à Marilyn Chambers. J'imagine que ça n'est pas pour son rôle dans Rage de Cronenberg ?
François : Ah mais j'adore son rôle dans Rage. Je la trouve géniale dans ce film. D'abord, je suis fan de Marilyn Chambers, c'est vraiment mon actrice de porno préférée. Elle n'était pas particulièrement jolie mais elle avait un charisme, elle dégageait quelque chose. Elle avait même un certain humour dans son jeu. Et elle est morte l'année où on a tourné Blackaria.
Donc c'est c'est une forme d'hommage de lui avoir dédié le film.
François : Oui, absolument. Franchement c'est une actrice de porno qui a réussi à beaucoup me toucher. Mais son rôle dans Rage est vraiment très bien. Il paraît que Cronenberg lui avait dit qu'elle aurait pu continuer à tourner dans des films traditionnels parce qu'elle avait vraiment le niveau. En plus, elle a une gueule cette nana-là. Et puis elle a fait Derrière la porte verte, film porno psychédélique où elle est mimi. Vraiment, elle était trop belle !

Pour Last caress, est-ce que le film est comme Blackaria en DV ?
François : Non. On a tourné avec le canon 5 D. On a utilisé des filtres soft qu'on avait aussi utilisé sur Blackaria. Sachant que maintenant tout le monde tourne en 5D et va avoir dès lors une super définition d'image. Jusqu'au prochain format...
Anna : Mais ce matériel, utilisé tel quel, est nul. On voit tous des acteurs, jusqu'aux poils du nez et aux rides ! Et les boutons !
François : Je suis d'accord avec Anna. C'est exactement ça. L'idée pour nous n'est pas de filmer les moustaches d'une actrice si elle est d'origine portugaise. L'idée est de la rendre jolie et d'utiliser des filtres pour embellir l'image. Ce qui compte pour nous c'est de faire un beau truc. Si tu vois un autre film en 5D sans filtres, tu vas te dire, c'est bizarre, c'est pas du tout la même définition. Mais c'est volontaire parce que ce qui compte pour nous c'est les couleurs, que ça pète et que l'on voit cet aspect rétro, très seventies, que j'adore. Si j'aime Lucio Fulci, c'est aussi parce qu'il utilisait beaucoup ces filtres sur L'emmurée vivante et La guerre des gangs.
Anna : Tu voulais dire dans Voix profondes.
François : Voilà ce que me dit Anna pour me charrier : Je crois que c'est vrai que tu es influencé par Fulci, mais Fulci fin de carrière !
Christophe : Non, c'est Conquest, c'est mieux [film d'heroic-fantasy de Lucio Fulci, culte par son aspect nanaresque].

Sur Blackaria l'influence du giallo est évidente avec un côté fétichiste, des couleurs flashy et notamment une prédominance du rouge. Est-ce qu'on retrouve cette influence dans Last caress ?
François : Énormément, et même beaucoup plus. Last caress est moins expérimental dans la mesure où sur Blackaria on s'est permis des séquences, sachant que c'était de la DV et que je connaissais le matos par cœur. On pouvait se permettre des séquences plus expérimentales, comme par exemple l'idée de l'ascenseur avec Anna et Clara Vallet [l'actrice principale de Blackaria].
Last caress comporte un côté plus AC/DC dans le sens où c'est beaucoup plus carré. Il y a plus de meurtres. Et beaucoup moins d'envolées lyriques. L'idée est de faire un film où on se fait pas chier et qui reste visuellement très abouti.

Après avoir vu des photos de Last caress, il m'a semblé que le film était influencé par le cinéma d'exploitation japonais, et notamment par Le couvent de la bête sacrée de Norifumi Suzuki. Est-ce le cas ?
Il y avait déjà des influences de ce cinéma dans Blackaria, mais beaucoup plus transparentes. Comme par exemple le rôle de la tueuse au manteau rouge qui était inspiré du film Les menottes rouges de Yukio Noda. J'adore le giallo mais l'exploitation japonaise reste toujours un peu présente dans nos films.
Sur Last caress, Le couvent de la bête sacrée est cité lors de la scène de flashback de flagellation. Je la trouve incroyable. Ce qui est rigolo c'est que les japonais avaient repris la religion occidentale pour la réinterpréter dans Le couvent de la bête sacrée. Et je me suis dit que cela serait marrant de réinterpréter la récupération faite par les japonais et de la remettre en Occident.
Par ailleurs, pour le personnage du tueur de Last caress je me suis beaucoup inspiré d'un film d'animation : Golgo 13 d'Osamu Dezaki, dont on aurait pu dédier le film d'ailleurs. Le personnage a vraiment le cool dans l'animé : les lunettes sont peintes, le costard tiré à 4 épingles et il ne sourit jamais.

Sur le DVD de Blackaria, j'avais compris que le tournage de Last caress avait été beaucoup plus éprouvant que pour Blackaria, pourquoi ?
François : Déjà en raison la faible durée du tournage, à savoir 20 jours. Le temps est dans ce cas-là ton pire ennemi. Pour Blackaria, on avait utilisé mon argent. Je n'avais donc de comptes à rendre à personne. On se disait qu'on tournerait quand on tournerait quand on aurait le temps. Sur Last caress, il fallait rendre la 5D au chat qui fume [le co-producteur] quand on avait terminé le film.
Bien sûr on est super pote avec Stéphane [Bouyer, du chat qui fume] et on sait très bien qu'il nous aurait aidés, mais c'était déjà plus compliqué d'aller le voir sur Paris alors que nous on est sur Montpellier.
Et puis y a plus de meurtres dans Last caress, plus de « morceaux de bravoure ». Dans Blackaria on s'est permis de longs blabla dialogués. Au niveau de la mise en scène on s'est un peu moins fait chier.
Alors que dans Last caress chaque meurtre demandait une mise en place vraiment casse-tête.
Anna : Last caress est beaucoup plus ambitieux. Il y a beaucoup plus de décors, beaucoup plus d'ambiances différentes.
François : Et il y a aussi la question des costumes vu qu'il y a des flashbacks.
Anna : Un film comme Last caress demande à la base beaucoup plus de temps pour le tourner que pour Blackaria, alors qu'au final il y a eu moins de jours de tournage.

On retrouve quasiment la même équipe sur Last caress que sur Blackaria. Est-ce à dire qu'il y a un côté familial dans vos réalisations ?
François : Ah oui, total.
Christophe : Il y a une confiance extraordinaire en chacun. Même si on sait que le tournage peut être assez long et assez difficile pour certaines scènes, on sait que les uns peuvent comptent sur les autres. Il y a un côté familial aussi dans le plaisir que chacun donne dans ses tâches.

Est-ce que du coup il est plus évident de tourner avec des acteurs avec qui on a déjà travaillé ? Est-ce qu'il est plus facile de leur faire tourner certaines scènes ?
Christophe : Vu que je connaissais la plupart des acteurs de Blackaria sur Last Caress – la plupart sont des amis, d'autres ont joué pour la première fois un grand rôle, je pense en particulier à Julie Baron – il fallait qu'il y ait une bonne symbiose entre nous, ce qui a été le cas. Du coup ça a marché très bien.

Si vous deviez être particulièrement fier Dans Last caress, ou d'une scène dans Last caress, ça serait laquelle ?
Christophe : Si je puis me permettre, je suis particulièrement fier de la linéarité et de la fluidité du film. Blackaria comporte beaucoup de flashbacks et une narration assez longue, qui a pu rebuter certaines personnes. A l'inverse, Last caress va d'un point A à un point B avec une histoire qui s'échelonne du début à la fin. Le rendu est beaucoup plus fluide et attirera plus le public.
François : Pour moi c'est la lumière. Je pense que c'est ce qui fait la force du film. C'est le truc dont je n'ai vraiment aucun doute. Peut-être aussi parce que ça n'est pas mon travail, c'est toujours plus facile d'apprécier le travail d'un autre. En tout cas, à chaque fois que je vois les images, je me dis : putain c'est beau, putain elle [Anna] a assuré !
Christophe : En deux mots, ce qui pourrait relier le travail de François et d'Anna au niveau des satisfactions, c'est ce qui a été fait sur le lever du jour. C'est vraiment LA scène du film.

Aura-t-on un jour la chance de voir une sortie en salles en Last caress, hors festival ?
François : En fait, je pense que si sur cette projection on a de bons retours, on pourra peut-être compter sur un bouche à oreille qui pourrait nous aider. Moi je suis content de Last caress mais je ne sais pas comment ça se passera demain. C'est comme si toi tu prenais un film de Mario Bava, pas le plus accessible, genre La fille qui en savait trop. Tu vas le montrer à des gens en salles. Même si toi t'aimes beaucoup Bava, forcément y a des gens qui peuvent s'emmerder devant. Tu vois c'est là que ça se joue. On est tellement parti dans notre tripe. Je ne connais personne qui a des références aussi rétro que les nôtres. Maintenant on va confronter ça à la réaction du public. Moi j'espère que cette différence fera notre force. Parce que c'est ce que j'aime.

Lors de la commercialisation en DVD de Last caress, vous avez eu l'excellente idée de mettre la BO en bonus. Est-ce que l'on retrouvera également la musique de Last caress avec le DVD ?
François : Il y aura sans doute le film, la bande son, les culottes des actrices. Eh oui si ça fait vendre !
Anna : Culottes en édition limitée !
François : Il y aura aussi une édition limitée avec le slip de Stéphane Bouyer.

Avez-vous une idée de votre prochain film ?
C'est un petit peu flou à l'heure actuelle. Avec Anna, on avait parlé d'un film d'action pour passer à autre chose tout en utilisant la grammaire giallo. Après le truc c'est que tout va dépendre au niveau des financements des retombées de Last caress. La grande question est : est-ce que tout cela va nous amener à quelque chose ? Au-delà de savoir si notre film est bien ou pourri. Je sais par exemple que Le chat qui fume aimerait bien produire plusieurs films dont le film d'action que l'on a en projet, qui serait une sorte de Golgo 13 au féminin. Mais je n'ai même pas encore écrit un synopsis pour ce film. J'ai été tellement speedé par la fin de Last caress.

Et ça ne vous dirait pas de faire un film dans le style d'Orgasmo d'Umberto Lenzi ?
François : Un nouveau giallo. Pourquoi pas. Pour moi, il y a toujours un film qui sert de matrice, de moteur. Pour Blackaria c'était Le venin de la peur de Lucio Fulci. Pour Last caress c'est plus Torso de Sergio Martino. Moi j'aimerais bien explorer d'autres éventails du giallo.
Stéphane [Bouyer] souhaiterait plus nous voir évoluer vers autre chose. Il a peur que le côté rétro années 70 n'amène pas assez de public.
Anna : Je voudrais faire un film mystique sur les zombies avec François. Pas des zombies mangeurs d'hommes, des zombies vaudous.

François, si on te donne carte blanche au niveau des financements, tu tournes quel film ?
François : Moi ça reste un giallo. Ah il y a aussi un film que je rêverais de faire, mais qui endort tout le monde. Il s'appelle Mother of mercy. C'est un mélange entre le film d'action, le giallo et surtout le film d'horreur gothique dans le style du masque du démon. Voilà, ça serait mon Citizen Kane. Après je pourrai mourir ! [rires]

Merci beaucoup à François, Christophe et Anna de m'avoir consacré une partie de leur temps pour cette passionnante interview !

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