17.12.10

01:00:00, Cat�gories: Interview  

Par Flo001fg

Pour cette première interview sur le blog, c'est David Aboucaya, le réalisateur de "The cross roads", dont le DVD est sorti début novembre chez Aventi, qui a eu la gentillesse de répondre à mes questions pour DVDpasCher :

Peux-tu nous raconter la genèse de "La croisée des chemins" ?

Tout a commencé en 2005. Depuis 1997, nous tournions des court-métrages. Suite aux évènements en Irak, un anti-américanisme assez poussé a vu le jour en France à la suite duquel on pouvait entendre des choses insensées dans le style « de toutes façons, en 44 ,même si les américains n’étaient pas venus, on aurait pu se libérer seuls... ». ça m’a donné une furieuse envie de faire un court métrage rendant hommage à tous ces hommes morts sur nos terres. De là est né "La Croisée des Chemins", d’une durée de 37 minutes, que nous avons présenté à des distributeurs et acheteurs lors du marché du film à Cannes. Totalement ignorés par les Français qui ne nous prenaient pas du tout au sérieux, l’écoute a été beaucoup plus importante avec les étrangers qui appréciaient notre travail tout en regrettant qu’il ne s’agisse pas d’un long-métrage. Le mot était lancé et le projet de "La Croisée Des Chemins" ("The Cross Roads") version longue voyait le jour.


Quelles difficultés as-tu rencontré ?

Le faible budget entraîne nécessairement de grosses difficultés logistiques pour ce genre de film. Ça a donc été d’abord un long travail de recherches de décors appropriés dont les autorisations de tournage ne sont pas toujours faciles à obtenir. Ces dernières ont été exclusivement obtenues par Alain Marseglia (qui joue aussi dans le film). Ensuite tout ce qui est accessoires, uniformes et autres qui m’a contraint à faire beaucoup de recherches et m’armer de patience afin de réunir tout ce dont j’avais besoin. Et puis bien sur le tournage à proprement parlé qui n’a pas toujours été de tout repos, et dont les plans ont dû être plusieurs fois modifiés au dernier moment.

Comment expliques-tu que le DVD ait mis autant de temps à sortir en France alors qu’il était sorti dans de nombreux autres pays ?

Comme je le disais ce sont d’abord les étrangers qui se sont intéressés au film en y voyant un potentiel commercial (et oui, même si c’est un art, le cinéma reste aussi une industrie, ce que certains dans l’hexagone semblent ne toujours pas comprendre...). Le premier contrat a été signé avec un distributeur (ou plutôt un agent de vente) canadien qui prenait donc en charge la vente du film à l’international. Par cet intermédiaire, une première société française s’était intéressé au film, croyant avoir à faire à une production américaine, mais n’avait pas donné suite pour certaines raisons qui nous échappent encore. Ça n’est que bien après que le distributeur français Aventi est tombé par hasard sur un article sur le film paru dans un numéro des « Années Laser » et s’est montré enthousiaste pour le sortir en France et nous donner notre chance. Un certain laps de temps s’est ensuite écoulé avant la sortie.


Tu as eu des soucis avec ton premier distributeur. Peux-tu nous en parler ?

Industryworks a réussi à vendre le film à plusieurs pays (Angleterre, Allemagne, Japon, Suède, Norvège, Russie, Scandinavie...), mais dès le premier semestre d’ « exploitation », il a fallu commencer à batailler pour obtenir les rapports de vente, dont je n’ai toujours reçu à ce jour qu’une partie. La plupart du temps je découvrais les pays dans lesquels le film sortait grâce à mes recherches sur internet. Se cachant derrière la crise, ils ont ensuite retardé les paiements des pourcentages sur les ventes qu’ils me devaient. Tellement retardés qu’au final je n’ai absolument rien touché et rien n’y a fait même l’intervention d’associations spécialisées dans ce style de litige. Malheureusement, le contrat relevait de la juridiction de la Colombie Britannique et pour engager une procédure il faudrait des moyens financiers que je ne possède pas. En attendant le seul recours que je pouvais faire était de rompre le contrat, ce qui m’a permis ensuite de signer avec Aventi pour la distribution française.

"The cross roads" a été retouché plusieurs fois selon les versions DVD. Quelles sont les modifications que tu as apportées ?

Au fur et à mesure des éditions étrangères, et avec le recul, j’ai voulu d’abord changer pas mal de plans de post-productions qui ne me convenaient plus. Puis à la suite de certaines critiques récurrentes, j’ai supprimé quelques scènes, qui au final n’amputent pas la continuité du film. J’ai aussi changé certains plans de coupe et légèrement modifié la colorimétrie générale ainsi que quelques parties musicales.


Tu travailles toujours avec la même équipe. Peux-tu nous présenter ta petite « famille » ?

« Famille » sans laquelle je ne serais jamais arrivé à aller jusqu’au bout de ce projet. En tout premier Manuel Gonçalves, acteur principal du film. On se connaît depuis le lycée et on partage la même passion. Les premiers court-métrages, on ne les faisait quasiment que tous les deux. Il a une détermination sans égal, et dans ce film, comme dans tous les autres, il s’investit à 100% avec un maximum de professionnalisme. C’est un acteur né ! Il y a ensuite Alain Marseglia, que je citais précédemment, qui a eu un rôle déterminant dans la logistique du tournage et dans la communication pour promouvoir le film terminé. Jérôme Voyon (lui aussi acteur) a eu aussi une grosse part dans cette dernière. Il y a ensuite Christian Perrette qui s’est occupé de beaucoup de choses pendant le tournage en plus d’être le second rôle, Catherine Culot qui est devenue mon assistante, Jean-Pierre Ferri, qui a vraiment été une « mine d’or » pour tout ce qui est terrains, véhicules et connaissances, Marie-Line Royer, Lucas Pedroni, Natale Naccari... Il y en a encore plein d’autres à citer et tous ont été « multi-casquettes » et indispensables à ce film.

Si tu faisais un film à gros budget, prendrais-tu des acteurs professionnels ? Avec qui aimerais-tu tourner ?

J’essaierais de garder un maximum de cette « famille » qui a continué à m’accompagner sur les autres longs, car je suis persuadé qu’ils sont largement à la hauteur. Le temps et les conditions nous ont malheureusement parfois manqué sur "The Cross Roads" pour mettre plus en avant leurs capacités. En dehors de ça, bien sûr, j’aimerais pouvoir y ajouter des acteurs professionnels (dans le sens qu’ils gagnent leur vie dans ce métier). Je serais fou à l’idée de tourner avec certains acteurs américains, et certains noms français comme Cornillac, Berléand, Depardieu (Rien que ça !!!) me viennent à l’esprit. Mon rêve (impossible bien sur !) serait de tourner avec Clint Eastwood.

On te sent très à l’aise dans le rôle d’acteur. Est-ce quelque chose que tu aimes particulièrement faire ?

J’adore ça ! Quand on a commencé avec Manuel à faire des films après le lycée, je ne voulais faire qu’acteur. C’est plus tard lorsque l’on a commencé à faire des court-métrages que j’ai commencé à avoir le virus de la réalisation, du montage. Jouer un rôle c’est génial, mais prendre un projet, de sa conception initiale à sa finalisation, en le réalisant, puis en le montant et voire petit à petit en image ce que l’on a juste au début dans la tête, il n’y a rien de comparable même si c’est parfois épuisant. Malgré tout, je me fais toujours plaisir en me gardant un rôle dans chaque film.

Peux-tu nous parler de tes deux autres longs-métrages "Last Blues" et "Dead Line" ?

"Last Blues" a été tourné en 2008. C’est très certainement, à mon goût, le plus abouti sur beaucoup de points. Nous avons eu plus de temps et de préparation pour ce tournage. Après le film de guerre, j’avais très envie de me lancer dans le film de « Mafia », que j’avais déjà abordé dans un court-métrage en 2003, "Dernières heures". Je suis un grand amateur des films de Scorsese, et plus particulièrement des "Affranchis" ou "Casino". L’histoire tourne autour de Frank Di Angelo (interprété par Manuel Gonçalves) qui fait partie d’un gang œuvrant un peu à l’ancienne, essayant de se calquer sur les puissantes familles agissant aux États-Unis dans les années 70. A la suite d’une maladresse de son neveu, Frank va devoir faire face à la mafia russe et aux membres de sa propre équipe tout en essayant de recoller les morceaux avec sa vraie famille qu’il s’aperçoit avoir négligé. J’ai essayé de regrouper tous les ingrédients inhérents à ce style de films. On y retrouve donc les thèmes de l’honneur, de la trahison, des règlements de compte... et si tout va bien, il devrait sortir avant l’été 2011, toujours par l’intermédiaire d’Aventi.

"Dead Line", quant à lui, aborde un genre considéré par beaucoup comme mineur, le film d’horreur et plus particulièrement le film de zombie. Dans ce style, après la prolifération des films où les infectés ou les mort-vivants étaient devenus très rapides, j’avais envie de revenir aux sources, aux « vrais » zombies, ceux de Romero et de son "Zombie" ("Dawn of the dead") qui constitue pour moi la référence du genre car ce n’est pas simplement un film de « boucherie ». Le manque de moyens et de figurants ne m’a néanmoins pas permis de le réaliser comme je l’aurais voulu. Heureux Frank Darabond qui a eu les moyens nécessaires pour lancer l’exceptionnelle série "The Walking Dead", actuellement diffusée aux États-Unis.

Un petit mot sur tes courts ?

Il y en a eu 9 en tout depuis 1997. 3 d’entre eux ont pour thème la guerre et un en particulier "Soldat" qui a assez bien marché dans certains festivals. Dans la majorité tous sont assez sombres (à part "Le gendarme s’est trompé" qui représente ma seule incursion dans la comédie). Mais toute cette période court a été assez frustrante, car dans tous les festivals, le public était en général au rendez-vous, mais nous avons été à chaque fois boudés par les jurys et les dits professionnels. Le film de genre n’a malheureusement pas sa place dans ce style de manifestations régis par une intelligencia prônant une sorte d’exception culturelle qui a longtemps freiné le cinéma français.


Quelles sont tes influences ?

Il y en a plusieurs. Pendant mon adolescence et l’époque dorée des vidéo clubs j’ai été nourri aux films avec Clint eastwood, à ceux de Carpenter, Romero, Scorsese et du côté français par les réalisateurs comme Jacques Deray ou Georges Lautner... Puis il y a eu Spielberg et sa révolution technique du « soldat Ryan », Ridley Scott, Christopher Nolan... Je ne pourrais pas tous les citer mais il est évident que mes influences lorgnent un peu plus du côté outre-Atlantique.

En trois longs-métrages, tu as abordé trois genres différents. Quels autres genres aimerais-tu aborder?

Beaucoup de genres me tentent, certains comme la science-fiction nécessitant des moyens conséquents. J’aimerais aussi beaucoup réaliser un film dans le style de "L’échelle de Jacob", un de mes films référence. Je reconnais par contre ne pas vraiment être intéressé par le film « social » ou la comédie, deux styles pourtant très longtemps majoritaires en France. Heureusement les choses évoluent depuis quelques années.

Comment as-tu fait pour autoproduire tous tes films ?

C’est très stimulant mais aussi parfois usant. C’est chaque fois un challenge, et j’aimerais finir par m’en passer. Ça relève très souvent du système D, de l’acharnement et de quelques sacrifices financiers. Ça n’est surtout possible qu’avec une équipe soudée qui marche dans la même direction et une foi inébranlable. Il faut ensuite du culot et de la persévérance pour tenter de se faire connaître. Le phénomène du film indépendant et autoproduit n’est pas vraiment reconnu par la profession et certains ne nous considèrent que comme des amateurs et la moquerie a souvent été de mise. J’avoue qu’être distribué un peu partout en France avec "The Cross Roads" et bientôt "Last Blues" constitue pour moi une belle revanche.

Arrives-tu à vivre de tes films ou as-tu une autre activité?

Jusqu’à maintenant non, et c’est même le contraire. J’ai dépensé pas mal d’argent pour réaliser mes films et la mésaventure du distributeur canadien n’a pas arrangé les choses. Mais depuis longtemps je rêve d’en vivre. Vivre de sa passion, il n’y a rien de mieux, non ? Quoiqu’il en soit, en « alimentaire » j’ai longtemps travaillé en tant que technicien (cadreur et éclairagiste) sur des plateaux télé et pour des reportages institutionnels.

As-tu un autre film en préparation ?

J’ai un projet qui me tient à cœur depuis quelques années dont la toile de fond est la veille du débarquement de Provence en 1944. Cette partie de l’histoire, souvent méconnue au détriment du débarquement en Normandie, a pourtant marqué la profonde alliance entre les premières forces françaises foulant à nouveau notre sol, les forces alliées et la résistance française. Nous sommes actuellement à la recherche de producteurs, car ce tournage nécessite une production conséquente (même s’il ne devrait pas s’agir d’un budget pharaonique, puisqu’il ne s’agit pas du débarquement en lui même, mais des évènements qui l’ont précédé). Mais le processus est long, donc, parallèlement, je suis aussi en train de préparer un nouveau film qui lui sera autoproduit et qui se fera sûrement en début d’année prochaine. Tourner est une drogue et toute l’équipe commence à être en manque. Il est donc temps de s’activer.

Si on te proposait d’aller tourner un film de commande aux États-Unis,
accepterais-tu ?

Bien sûr, plutôt deux fois qu’une ! Je suis toujours un peu surpris des discours de certains qui affirment qu’il n’en serait pas question argumentant que ça détruirait leur intégrité artistique. Je sais que ce discours en dérange beaucoup, mais quand on voit ce que nous offre les États-Unis en matière de cinéma (et ce n’est pas toujours une histoire de moyens mis en œuvres), on se dit qu’on a encore beaucoup à apprendre et tourner avec eux ne peut être appréhendé que comme une chance et un formidable apprentissage. Il y a d’excellents films français, et de très mauvais films américains, mais soyons juste réalistes...

Que penses-tu des supports DVD et Blu-ray ?

Je ne pourrais pas me prononcer sur le Blu-ray car comme le dit le proverbe « ce sont les cordonniers les plus mal chaussés » et je ne suis pas équipé dans ce sens. Mais que ce soit le Blu-ray ou le DVD, ils permettent d’apporter un plus, ne se limitant pas au film en lui même. En matière de bonus c’est toujours très intéressant de découvrir certains secrets de fabrication (même si parfois ça casse un peu la magie). Et puis étant de la génération VHS, l’arrivée de ces supports numériques a chaque fois constitué une révolution dans le confort de visionnage et la restitution de l’image souhaitée lors du tournage.

Merci David d'avoir pris le temps de répondre à mes questions et également pour ta gentillesse.

The cross roads

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