29.12.09

10:10:00, Cat�gories: Test / Critique  

Titre du film : Le prix du danger
Réalisé par : Yves Boisset.
Sortie au cinéma le : 26 janvier 1983
Avec : Gérard Lanvin (François Jacquemart), Michel Piccoli (le présentateur de l'émission), Bruno Cremer (le patron de la chaîne de télévision), Marie-France Pisier (la productrice Florence Balard), Andréa Ferreol (Maître Elizabeth Worms).

Par Nicofeel

Réalisé par Yves Boisset, auteur du remarquable Dupont Lajoie, Le prix du danger est un film d'anticipation qui passe rarement sur nos chaînes télévisées.
Et pour cause. Le constat du film sur la fascination qu'engendre le Quatrième pouvoir (les médias, ici précisément la télévision) et sur les méthodes employées pour obtenir de l'audimat est tout bonnement abominable.
Avec plus de 20 ans d'avance, Yves Boisset critique tout un système où les seuls buts sont l'obtention du pouvoir et de l'argent. Le cinéaste a l'intelligence de ne pas donner de limite géographique à son action. On sait simplement qu'elle se déroule en Europe. Comme à cette époque le dollar était la monnaie unique de référence (l'euro n'étant apparu qu'en 1999), le réalisateur a logiquement choisi d'évoquer dans son film cette monnaie. Sur le plan de la géographie économique, Le prix du danger est donc un film mondial.
Mais avant de se livrer à toute analyse, quel est le synopsis de ce film ? Dans un futur proche, la chaîne CTV atteint un audimat record (on parle de 100 millions de téléspectateurs au début du film) grâce à son jeu Le prix du danger. Le concept de l'émission est simple : une personne, qui est choisie par les producteurs du jeu, consent de participer à ce jeu où il s'agit de survivre pendant 4 heures (durée de l'émission) à différentes embûches. Si le participant s'en sort indemne, la chaîne CTV lui remettra un chèque d'un million de dollars. Les deux premières émissions du prix du danger se sont soldées par la mort du candidat. La troisième émission va être celle de notre référent, un homme du peuple, François Jacquemart. Il est interprété par un Gérard Lanvin qui joue là le rôle de sa vie. Car l'acteur a eu la chance d'obtenir le rôle principal d'un film prémonitoire, où tout est devenu spectacle.

Les téléspectateurs, qui s'ennuient dans leur quotidien, sont à la recherche de sensationnel. La morale n'a plus cours. On se croirait revenu aux temps des gladiateurs avec des combats où la mort est banalisée. La mort n'est finalement que l'apothéose d'un spectacle malsain. Pourtant, la chaîne CTV rend ce spectacle « normal ». Comme le dit le directeur de la chaîne CTV, interprété par un Bruno Crémer dans un sacré rôle de salaud, où son unique but est l'audimat de son émission (en gros tous les coups sont permis, quitte à aider le héros en difficulté pour maintenir l'audimat à son point haut) : « dans un monde de dingue, il faut donner de la folie aux gens ».
Et à ce niveau là c'est du haut niveau. Car ce jeu qui joue avec la vie des gens est horrible dans son concept. On semble arrivé à un point de non retour. Préfigurant nos émissions poubelle de télé réalité, le film ne peut a priori pas faire pire. Et il est même très dangereux car il faut bien voir qu'il y a dans le cadre de ce jeu des courses-poursuite en pleine ville. Des innocents pourraient être blessés.
S'il est d'un cynisme certain, le film fait également peur. Il confirme par exemple l'idée selon laquelle l'opinion publique peut être facilement manipulable. Le présentateur du prix du danger, interprété par un Michel Piccoli complètement amoral et baratineur, prouve cette idée.
Michel Piccoli, dans le rôle de Malère, souffle le froid et le chaud suivant les directives de sa direction : « chers amis, chers téléspectateurs [...] quel spectacle, quelle émotion. »
Là où le film fait aussi très fort, c'est qu'il n'hésite pas à évoquer des liens étroits entre la politique et la télévision. Tout est lié. Au début du film, une femme qui travaille sur le jeu Le prix du danger dit clairement que « la chaîne peut compter sur un appui discret mais efficace du gouvernement. » Pour sa part, Marie-France Pisier évoque dans le film ses jeunes d'études où elle se berçait d'illusions : « je rêvais d'une télévision qui serait indépendante des pouvoirs. » Autant dire qu'une telle remarque dans un film ne peut pas passer inaperçue et est une véritable charge contre le gouvernement et les médias.
Mais le film va toujours plus loin. Il laisse ainsi supposer que les droits de recours face aux ignominies du jeu Le prix du danger sont finalement réduites à néant, puisque comme l'indique une personne qui travaille à la chaîne CTV sur ce jeu : « De toute façon, nous contrôlons plusieurs membres de la commission. »
Michel Piccoli va même encore plus loin dans les déclarations. Pour lui, ce jeu est nécessaire car « il y a va de l'intérêt national. Je soulignais au ministre du chômage l'effet de diversion provoqué par nos deux premières émissions. Pendant qu'ils se passionnent pour le prix du danger nos 5 millions de chômeurs oublient de descendre dans la rue. » La télévision n'est pas vraiment vue sous un jour agréable. Elle aurait un effet sur les masses en les neutralisant dans leurs éventuelles volontés de réaction. Cette démonstration est terrible car elle signifierait que les gens sont incapables de penser par eux-mêmes ou qu'en tout cas la télévision finirait presque par leur lobotomiser le cerveau.
Michel Piccoli n'est pas seulement le représentant de la chaîne. Il est également une sorte de Big Brother avant l'heure. A plusieurs reprises dans le film, on voit Piccoli à travers un écran de télévision. Il est partout. Et il est notable aussi de constater qu'il y a dans de nombreux endroits de la ville traversée par Gérard Lanvin des caméras de surveillance. On est vraiment dans un régime où le terme démocratie n'est qu'un mot et non une réalité. Dans cet univers futuriste (mais finalement pas si loin que cela de notre univers actuel), la vision du monde nous rapproche inmanquablement du 1984 de George Orwell.

Et pendant que le peuple est « endormi », la chaîne CTV en profite pour ramasser un maximum d'argent. On ne sera guère étonné de retrouver dans le film des nombreuses pauses publicitaires, effectuées sur le plateau de l'émission, qui sont présentées par Malère. Parfois, les situations paraissent bien incongrues, passant du coq à l'âne, mais la chaîne CTV ne cherche qu'à gagner de l'argent. Et à une heure d'écoute comme celle-ci, c'est essentiel.
La fin du film est l'apothéose d'un système qui non seulement ne faiblit pas, mais n'hésite pas à faire dans la surenchère. Au prochain épisode, Le prix du danger ne durera pas seulement 4 heures mais une journée entière. Et comme le dit la productrice de cette émission à la fin du film: « Je sais que vous voulez encore plus de sang, plus de violence et plus de carnage. Eh bien nous vous en donnerons. »
Espérons que l'on en arrive jamais jusque-là. Le problème est que l'on en prend pourtant le chemin... Seule la vie est encore réglementée, pour le reste Le prix du danger s'est révélé prémonitoire.

Permalien 1305 mots par nicofeel Email , 322 vues • 3 retours

Commentaires, Pingbacks:

Commentaire de: Lyonnais [Visiteur] Email
Merci d'avoir déterré ce très bon film; le scénariste de "Running Man" s'en est-il inspiré?
PermalienPermalien 29.12.09 @ 18:00
Commentaire de: Paul [Visiteur] Email
Running man est un remake effectivement.

Si seulement on pouvait avoir une version DVD de ce fort bon film... mais je crois qu'il va falloir se résoudre à la VOD pour l'obtenir. :-(
PermalienPermalien 30.12.09 @ 17:04
Commentaire de: Backtothefuture [Visiteur]
"Running Man" est effectivement tiré de la même nouvelle de l'écrivain de SF Robert Sheckley, "The prize of peril" (publiée en 1958 !) mais le film de Boisset EST lui-même un remake. La première version (et de loin la meilleure, bien plus réaliste que les films très lourdingues de Boisset et Glaser) est un formidable téléfilm ouest-allemand, "Das Millionenspiel", réalisé en 1970 et qui a du faire aux téléspectateurs le même effet que les auditeurs de "La guerre des mondes" par Orson Welles puisque celui qui y interprétait l'animateur du jeu était réellement l'animateur n°1 de la télé allemande (un mélange de Guy Lux, de Drucker... et de Derrick !). On peut même remonter plus loin en arrière avec "La dixième victime" d'Elio Petri, de 1965 puisque son scénario très proche est tiré de la nouvelle-jumelle de Sheckley, "The 7th victim", qui date, elle de 1953 ! Il n'y a qu'un visionnaire dans le lot et c'est bien Sheckley !
PermalienPermalien 30.12.09 @ 22:39

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